Pandémie et restrictions sanitaires, développement du télétravail, multiplication des régimes alimentaires… Les pauses déjeuner au bureau évoluent au rythme des conditions de travail.
Comment mangerons-nous demain au travail ? Que devient la bonne vieille cantine ? Comment les entreprises répondent-elles aux attentes de leurs salariés ? Ces interrogations qui fusent à la vitesse des changements sociétaux, recomposent nos espaces collectifs au travail. Depuis les années 2000, avec le développement d’une économie de l’information et de la connaissance, les espaces communs de la pause méridienne ont pris une importance grandissante. Loin de les négliger, les entreprises sont attentives à l’ambiance, à l’accueil, aux services proposés, explique Étienne Riot, urbaniste et directeur de l’innovation au sein de l’agence PCA Stream. Attentifs aux évolutions des usages, les employeurs qui souhaitent fidéliser leurs collaborateurs, cherchent à offrir le meilleur cadre de vie au travail.
La chercheuse Camille Massey acquiesce tout en observant une forte dichotomie entre les catégories socioprofessionnelles supérieures (CSP + ) et les autres salariés. Lorsqu’on s’interroge sur le futur de l’alimentation au travail, il faut vraiment savoir de qui on parle et dans quel secteur d’activité on se situe, remarque-t-elle. Car cela reflète vraiment les évolutions et les conditions de travail.
Le sandwich des ouvriers sur le chantier est une pratique toujours bien présente…
Proposer une expérience
Dans le tertiaire, les cantines – longtemps situées en sous-sol ou à l’écart des plateaux de bureau – occupent aujourd’hui une place plus centrale, logées dans les endroits nobles des bâtiments : terrasses, socles en rez-de-chaussée, toit terrasse… Multifonctionnel et ouvert sur l’extérieur, le restaurant d’entreprise devient un working-café, avec une brasserie ouverte au public. Il voisine avec des potagers urbains ou des toits végétalisés, voire s’agrémente d’une microbrasserie. On peut s’y restaurer bien sûr, mais aussi échanger avec les visiteurs, télétravailler… Il faut s’y sentir à l’aise pour phosphorer, se rencontrer, échanger.
Ces lieux doivent entretenir la « sérendipité », ce hasard heureux qui par le brassage des idées et des personnes, favorise l’innovation
, poursuit l’urbaniste Étienne Riot. À l’instar des espaces de travail, ils doivent refléter les valeurs de l’entreprise, ses engagements pour l’égalité, la diversité, l’environnement, avec des services basés sur une vision plus circulaire : halte gaspillage, développement durable et bas carbone, produits locaux, bio, frais, sans emballage…
La pause déjeuner s’envisage comme un temps de commensalité
, c’est-à-dire de partage avec l’autre, subtil équilibre entre convivialité professionnelle et personnelle. Très important pour la génération des moins de 30 ans, ce temps informel participe à l’intégration de la culture d’entreprise, relève Étienne Riot. À l’inverse, certains préfèrent déjeuner en dehors de l’entreprise, à la fois pour des raisons de planning domestique et par envie de se soustraire à la hiérarchie.
Il est toutefois un invariant en France : le temps du déjeuner. Il se stabilise entre 48 et 53 minutes. Pour une moyenne de 51 minutes lorsqu’on ne travaille pas. La pause méridienne, au bureau ou ailleurs, en France, c’est une institution !
Article publié sur le site ouest-france.fr – janvier 2023